carouge
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Passereau grégaire des milieux humides du continent américain, voisin du cassique et du quiscale, granivore et insectivore, de taille moyenne et à bec effilé, dont le plumage de la femelle (chez la plupart des espèces) est plutôt brunâtre alors que celui du mâle est généralement d’un noir luisant, marqué de couleur vive (jaune, orangé, rouge), souvent à la tête ou à l’aile.
Au 18e siècle, carouge a d’abord servi à désigner d’autres oiseaux de la même famille, notamment des espèces portant aujourd’hui le nom d’oriole.
Parmi les espèces actuellement dénommées carouge, plusieurs ont précédemment été connues sous d’autres noms (cassique, quiscale, troupiale).
Au Québec et dans l'est du Canada, le mot carouge, employé sans autre spécification, désigne généralement le carouge à épaulettes.
ictéridé; passériforme.
Origine et histoire
Carouge est probablement une dénomination d’origine antillaise, mais son étymologie demeure obscure. On en relève la première attestation en 1760 sous la plume du naturaliste français M. Brisson, qui l’introduit dans la nomenclature ornithologique pour dénommer un sous-ensemble d’espèces parmi celles qu’il identifie globalement comme des troupiales. Parmi les quatre nouveaux noms introduits pour dénommer ces troupiales (troupiale, cassique, baltimore et carouge), carouge est le seul pour lequel Brisson ne donne aucun indice quant à son origine.
Selon la plus couramment évoquée des diverses hypothèses étymologiques émises à ce sujet, ce terme ornithologique serait issu de carouge, une variante bien attestée de caroube (nom d’origine arabe) servant à désigner la gousse du caroubier ainsi que son bois, tous deux de couleur rouge sombre.
Ce serait sur la base d’une analogie de couleur que carouge aurait par la suite été utilisé comme nom d’oiseau. Cette hypothèse n’est envisageable qu’en fonction de la première espèce décrite sous le nom de carouge par Brisson, qui, écrit-il, a la tête, le cou et la poitrine « d’un beau marron foncé » (quinze ans plus tard, en parlant de la même espèce, Guéneau de Montbeillard écrira « brun rougeâtre »).
La tête, la gorge, le col & la poitrine sont d’un beau marron foncé. La partie supérieure du dos est d’un noir de velours. La partie inférieure du dos, le croupion, le ventre, les côtés, les jambes, les couvertures du dessous de la queue, celles du dessous de l’aile & les petites du dessus sont d’un orangé foncé.
Source de la citation : Brisson, 1760
Il s’agit, selon la terminologie actuelle, de l’oriole de Martinique (Icterus bonana). Les autres espèces de carouges décrites par Brisson sont plutôt de couleur jaune (voire bleue), ce que met en évidence le taxon latin Xanthornus (littéralement « oiseau jaune ») par lequel le naturaliste identifie ce sous-ensemble de troupiales. Les hypothèses focalisant sur les taches alaires rouges de l’espèce actuellement dénommée carouge à épaulettes ne sont pas recevables puisque cette espèce a porté le nom de troupiale jusqu’au 19e siècle.
L’oriole de Martinique, qui est connue de nos jours en Martinique sous le nom local de carouge, portait-elle déjà ce nom aux Antilles à l’époque de Brisson? C’est ce que pourrait suggérer l’extrait suivant d’une relation de voyage à la Martinique publié en 1763, trois ans seulement après le traité de Brisson qui sert d’ouvrage de référence pour l’identification des oiseaux observés :
Nous renvoyons encore à ce même ouvrage pour les oiseaux suivants que nous avons vus.
La perdrix de ce pays-ci, que M. Brisson désigne sous le nom de pigeon de la Martinique, tom[e] I. p. 103, & la perdrix rousse, sous le nom de pigeon violet de la Martinique, tom[e] I. p 129, pl. XII. fig. I.
Le grigri, désigné sous le nom d’émérillon des Antilles, tom[e] I. p. 385.
Le carouge, décrit sous ce même nom, & sous le genre de troupiale, tom[e] II. p. 115, pl. XII. fig. 2.
Source de la citation : Thibault de Chanvalon, 1763
Il y a tout lieu de croire que, dans cet extrait, l’auteur, J.-B. Thibault de Chanvalon, commence par mentionner le nom martiniquais (antillais) des oiseaux observés avant de donner les noms sous lesquels ils ont été décrits par Brisson.
Carouge semble donc être un nom d’origine antillaise. Quant à ses liens étymologiques avec carouge, variante de caroube, ils demeurent hypothétiques.
La distribution des termes carouge, cassique et troupiale adoptée par Brisson au 18e siècle sera profondément remaniée par les naturalistes qui suivront, notamment à l’occasion de l’introduction du terme oriole.
Taxonomie et nomenclature
Dans la nomenclature actuelle, le générique carouge sert à dénommer une vingtaine d’espèces de passériformes de la famille des ictéridés, classées dans le genre Agelaius (genre principal) ainsi que dans une quinzaine d’autres petits genres étroitement apparentés, pour la plupart monospécifiques (Agelaioides, Agelasticus, Amblyramphus, Anumara, Chrysomus, Curaeus, Gnorimopsar, Gymnomystax, Hypopyrrhus, Lampropsar, Macroagelaius, Nesopsar, Oreopsar, Pseudoleistes, Xanthocephalus et Xanthopsar).
Dans des noms composés
Principales espèces nord-américaines :
carouge à épaulettes* [Agelaius phoeniceus] : espèce nord-américaine commune, dont la femelle brunâtre ressemble à un bruant et dont le mâle très noir porte à l’épaule une tache rougeâtre bordée de jaune. [synonyme ancien : commandeur, étourneau à ailes rouges, troupiale à ailes rouges, troupiale commandeur.]
appelé aussi : (seconde moitié du 19e siècle, notamment dans la nomenclature québécoise) carouge commandeur.
carouge à tête jaune* [Xanthocephalus xanthocephalus] : espèce du centre et de l’ouest de l’Amérique du Nord, dont le mâle a la tête et la poitrine jaunes.
Références et notes
Source(s) métalinguistique(s)
- TLFi, sous caroube et carouge.
- FEW 19 harruba, p. 67a.
- Blain, Philippe (1978). Étude comparative des noms français et anglais officiels des oiseaux d’Amérique du Nord, mémoire, Université de Montréal, p. 35.
- Cabard et Chauvet (2003), p. 386.
- Donovan et Ouellet (1993).
- Hageman (2000), p. 80.
Base(s) ornithologique(s) de référence
Date de consultation :
- Avibase
- Birds of the World
- Oiseaux.net