Aller directement au contenu

dinde

Genre

féminin ou masculin

Précisions sur le genre

Le masculin est aujourd’hui vieilli ou régional.

Prononciation

[dɛ̃d]

Début de l'article

Définition (emploi principal du mot-entrée).

Synonyme de dindon (comme oiseau d’élevage et sans distinction de sexe).

Remarque complémentaire à la définition du mot-entrée.

Dinde est également d’emploi courant pour désigner la viande de cet oiseau.

Définition (emploi secondaire du mot-entrée).

spécialement (par opposition à dindon) Dindon femelle.

Nom(s) associé(s): ensemble d’oiseaux plus large.

phasianidé; galliforme.

Origine et histoire

Originaire d’Amérique du Nord, le Dindon sauvage a été introduit en Europe dans la première moitié du 16e siècle. En français, il a d’abord été appelé coq d’Inde et poule d’Inde avant que, par réduction, on le désigne également du nom simple de dinde.

Coq d’Inde et poule d’Inde

Les noms composés avaient déjà eu cours à une époque plus ancienne, en moyen français, mais ils faisaient alors référence à un autre type d’oiseau de l’Ancien Monde dénommé gallina de India en latin médiéval (13e siècle) : poule d’Inde est attesté dès le 14e siècle (1381) au sens de « pintade » et coq d’Inde dès le 15e siècle (1465) au sens de « mâle de la pintade ». Ces appellations anciennes où India et Inde évoquaient sans doute un vague Orient étaient vraisemblablement déjà tombées en désuétude lors de l’introduction en Europe du dindon : dans le traité d’ornithologie de P. Belon du Mans paru en 1555Belon du Mans, Pierre (1555). L'histoire de la nature des oyseaux, avec leurs descriptions, & naïfs portraicts retirez du naturel, p. 246 (GoogleLivres, 2022/03/09)., la pintade qui est d’origine africaine n’est décrite que sous le nom de poule de la Guinée.

À partir du milieu du 16e siècle, poule d’Inde et coq d’Inde reparaissent dans un nouvel emploi comme noms du dindon, dans lesquels le toponyme Inde fait maintenant référence aux Indes occidentales, c’est-à-dire à l’AmériqueComme dans blé d’Inde « maïs » qui date de la même époque.. L’usage varie quant à la distribution de ces deux appellations : selon les auteurs, les deux peuvent servir à désigner le type général d’oiseau ou seulement les oiseaux d’un sexe donné. Ainsi, le naturaliste Belon du Mans (1555)Belon du Mans, Pierre (1555). Ibidem, p. 248. décrit le dindon sous le nom de coq d’Inde, alors que, dans l’Agriculture et la Maison rustique (1564)Estienne, Charles (1564). L’Agriculture et Maison rustique, livre 1, chap. 19  (gallica.bnf.fr, 2022/03/09)., C. Estienne donne à ce type de volaille le nom de poule d’Inde.

Dinde

La forme simple dinde est attestée pour la première fois dans une liste de noms de volailles et d’autres animaux accompagnés uniquement de leur valeur marchande dans Le miroir des Francois de 1581Barnaud, Nicolas (1581). Le miroir des Francois, compris en trois livres, livre 1, p. 215 (gallica.bnf.fr, 2022/03/10).. Vraisemblablement sous l’influence de coq d’Inde, le mot y est clairement de genre masculin : « Dindes. Le meilleur, trente sols t. ».

Dans son Theatre d’agriculture paru une vingtaine d’années plus tard (1600)Serres, Olivier de (1600). Le théatre d’agriculture et mesnage des champs, p. 363-364 (gallica.bnf.fr, 2022/03/09)., O. de Serres consacre un long paragraphe à la « poulaille d’Inde » dans lequel il apporte diverses précisions concernant l’élevage du dindon et où les deux emplois actuels de dinde sont déjà attestés, mais sous la graphie d’Inde, encore formellement liée aux noms composés dont elle est issue.

Basti que soit le poulailler, comme a esté monstré, sera accommodé de son juschoir, qu’on disposera en theatre par escaliers, contre les murailles du dedans : à ce qu’aisément [de] terre les d’Indars & d’Indes montent jusqu’au plus haut, pour se choisir place à leur fantaisie. […] Ce juchoir sera accommodé avec des perches & lates, mais grosses & fortes; afin que les d’Indes s’y puissent fermement percher; ce qu’elles ne pourroient faire estant de menu bois […].

Source de la citation : De Serres, 1600

Dans la première occurrence de cet extrait, d’Inde est synonyme de poule d’Inde et s’oppose à d’Indar, synonyme de coq d’Inde, alors que dans la seconde occurrence, le mot sert à désigner le type général de volaille, abstraction faite du sexe. Dans ces deux emplois, le mot est de genre féminin (comme poule d'Inde).

Les grands dictionnaires de la première moitié du 18e siècle vont adopter des positions différentes en ce qui a trait au genre du mot dinde. Dans le Dictionnaire de l’Académie française de 1718, on ne mentionne que le genre féminin, alors que seul le genre masculin est présenté dans le Dictionnaire de Trévoux de 1721. Un siècle plus tard, dans son Nouveau dictionnaire de la langue française (1820), J.-C. Laveaux reconnaît les deux genres : « On dit un dinde, pour signifier le mâle, et une dinde, pour signifier la femelle. »); mais il passe sous silence le genre de l’emploi générique. C’est le cas également à la fin du 19e siècle dans le Dictionnaire général de la langue française. Cependant, la plupart des grands dictionnaires du 19e siècle (Bescherelle, 1845; Littré, 1863; Académie, 1835 et 1878) ont privilégié le féminin comme norme et présenté comme abusif l’emploi de dinde au masculin pour désigner le mâle (le coq d’Inde), ce qui a contribué à son vieillissement, du moins dans la langue générale. Au siècle suivant, les grands dictionnaires et les dictionnaires usuels ont rapidement cessé de le mentionner. Toutefois, l’emploi du genre masculin est demeuré bien implanté dans de nombreux français régionaux, du moins jusqu’à la fin du 20e siècle. Ainsi les enquêtes linguistiques effectuées au Québec et en Acadie dans les dernières décennies du 20e siècle montrent qu’à l’époque, le genre masculin était encore assez largement répandu dans le monde rural. Et, encore aujourd’hui, on continue à en relever des attestations dans la presse régionale de FranceVoir notamment : Le Progrès de Lyon, 7 décembre 2013, p. 20 (Firminy) « gagnez un dinde », (Eureka, 2022/03/13)..

Références et notes

Source(s) métalinguistique(s)

  • TLFi
  • FEW 4 Indes, p. 639b.
  • Bahuchet, Serge (2021). « De gallo peregrino, le coq voyageur. Meleagris gallopavo L. 1758 en Europe, à travers les textes anciens (XVe-XVIIIe siècles) », Revue d’ethnoécologie (journals.openedition.org/ethnoecologie/6839, 2022/03/10).
  • Bescherelle, Louis-Nicolas (1845). Dictionnaire National ou Grand dictionnaire classique de la langue française (GoogleLivres, 2022/03/11).
  • Hatzfeld, Adolphe, Arsène Darmesteter et Antoine Thomas (1890). Dictionnaire général de la langue française.
  • Dictionnaire de l’Académie française, 1718 (2e éd.), 1835 (6e éd.) et 1878 (7e éd.) (dictionnaire-academie.fr, 2022/03/12).
  • Dictionnaire universel françois & latin (Dictionnaire de Trévoux), 1721 (2e éd.) (gallica.bnf.fr, 2022/03/11).
  • Laveaux, Jean-Charles (1820). Nouveau dictionnaire de la langue française (GoogleLivres, 2022/03/12).
  • Littré, Émile (1863). Dictionnaire de la langue française (GoogleLivres, 2022/03/12).
  • Dulong, Gaston et Gaston Bergeron (1980). Le parler populaire du Québec et de ses régions voisines, vol. 6, question 637 « Dinde ».
  • Fonds documentaires du Trésor de la langue française au Québec (tlfq.org/2023/03/10).

Note(s)