ortolan
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Nom traditionnellement donné à des passereaux appréciés pour la délicatesse de leur chair ou la finesse de leur graisse (notamment à des passereaux de type bruant ou similaire).
(En contexte européen) ortolan, bruant ortolan* [Emberiza hortulana] : espèce eurasienne de bruant des milieux ouverts, dont le mâle, en plumage nuptial, se reconnaît à son ventre roux, sa tête verdâtre et sa gorge jaune, et qui a longtemps été considérée comme un gibier de choix en raison de la délicatesse de sa chair.
En Europe, l’appellation ortolan est d’abord associée au bruant ortolan qui, en raison de sa renommée, a longtemps été la principale espèce de passereau qu’on cherchait à capturer vivante pour la soumettre à l’engraissement.
embérizidé; passériforme.
(En contexte nord-américain) ortolan : (Qc/Ca) Ancien nom usuel de l’alouette hausse-col*.
On a parfois aussi donné ce nom au plectrophane des neiges*.
Origine et histoire
Ortolan est issu, par emprunt, de l’italien ortolano, nom d’oiseau en usage depuis le 15e siècle, qui découle lui-même du latin tardif hortulanus, adjectif signifiant « du jardin ».
En français, le mot est attesté dans des œuvres littéraires dès le milieu du 16e siècle (1552) sous la forme hortolan chez F. Rabelais, et dans sa graphie actuelle, un siècle plus tard (1643) chez P. Scarron. On le relève également dans les textes du 17e siècle et du début du 18e siècle relatifs à la faune de la Nouvelle-France, où il s’agit nettement d’un emploi par extension, le bruant ortolan ne faisant pas partie de cette faune.
Dans les traités naturalistes du 18e et du début du 19e siècle, ortolan sert à la fois comme mot simple à désigner le bruant ortolan et comme base générique à dénommer divers passereaux similaires de l’Ancien Monde comme du Nouveau Monde. On en relève la première attestation, en 1731, chez le britannique M. Catesby qui, dans la section française de son ouvrage d’ornithologie nord-américaine, décrit le goglu des prés sous les noms d’« Ortolan de la Caroline ou Oiseau à Ris [= riz] ». Comme on le constate chez Catesby qui donne au même oiseau le nom latin de « Hortulanus caroliniensis », cet emploi technique élargi d’ortolan est assez étroitement associé à l’emploi des génériques latins Hortulanus et Hortulana qui avaient cours dans les ouvrages naturalistes européens depuis plus d’un siècle.
Mais, comme le signale L. P. Vieillot en 1803 dans le Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle, hors des cercles naturalistes, on pouvait aussi donner le nom d’ortolan à d’autres types de petits oiseaux appréciés pour leur chair et leur graisse :
Ortolan (Hortolanus), nom d’une famille d’oiseaux du genre du bruant. Tout oiseau célèbre par un chant varié et mélodieux, est aussi-tôt qualifié de rossignol. Tout petit volatile renommé pour la délicatesse de sa chair, la finesse de sa graisse, est un ortolan. C’est ainsi qu’en divers pays [« en plusieurs provinces de France »] les bec-figues, les motteux, les tariers, les torcols, &c. sont désignés dans la nomenclature des amateurs de bons morceaux. Aux Antilles, ce nom est imposé à une petite tourterelle (le cocotzin), qui, en certaine saison, n’offre qu’un peloton de graisse exquise. Le vrai ortolan, célèbre pour sa graisse, la doit plus à l’art qu’à la nature, car il est plus souvent maigre que gras lorsqu’on le prend. Il a donc fallu pour la lui procurer, étudier son tempérament, afin d’offrir en tout temps ce morceau friand à la sensualité des Lucullus, des Hortensius anciens et modernes.
Source de la citation : Vieillot, 1803
Dans les relations de la Nouvelle-France les plus anciennes (d’où le mot bruant semble absent) (Boucher, 1664; Leclercq, 1691), ortolan est surtout utilisé comme un large générique :
Il y a aussi grand nombre d’Etourneaux qui s’abandent en Septembre & Octobre : quantité de Grives, Merles, Hortolans, & un nombre infiny d’autres petits oyseaux dont je ne scay pas les noms.
Source de la citation : Boucher, 1664
Sauf dans le manuscrit du missionnaire français L. Nicolas, où l’appellation pourrait peut-être déjà faire référence à l’alouette hausse-col :
De l’ortolan Le plumage, le goût, le chant sont tous différents du nôtre, et cet oiseau est assez rare dans le pays. Il est blanc, gris, noir, jaune. Il est de même corsage que ceux de ce pays.
Source de la citation : Nicolas, seconde moitié du 17e siècle
Celles du 18e siècle (Lahontan, 1703; Charlevoix, 1744) associent plus directement l’appellation au plectrophane des neiges, mais comme le laisse entendre F.-X. Charlevoix, cette espèce était aussi connue à l’époque sous le nom d’oiseau blanc.
Une espece d’Ortolan, dont le Plumage est cendré sur le Dos, & blanc sous le ventre, & qu’on a nommé l’Oiseau Blanc, est celui de tous les Hôtes de nos bois, qui chante le mieux. […] Ce petit Animal a la physionomie fort belle, & il est bien nommé Ortolan pour le goût.
Source de la citation : Charlevoix, 1744
Selon les témoignages des naturalistes québécois de la fin du 19e siècle et selon les enquêtes linguistiques effectuées dans l’est du Canada dans la seconde moitié du 20e siècle, c’est plutôt l’alouette hausse-col qui était largement connue au Québec et en Acadie sous le nom populaire d’ortolan.
Taxonomie et nomenclature
Dans la nomenclature actuelle, l’élément spécifique ortolan ne s’applique qu’à l’espèce de passereau scientifiquement dénommée Emberiza hortulana (du genre Emberiza, famille des embérizidés).
Dans des noms composés
ortolan de riz : synonyme ancien de goglu des prés*.
Ce nom est d’abord attesté en 1778 sous la plume de P. Guéneau de Montbeillard.
ortolan de(s) neige(s) : synonyme ancien de plectrophane des neiges*.
On relève ortolan de neige chez M. Brisson dès 1760.
Références et notes
Source(s) métalinguistique(s)
- TLFi
- FEW 4 hortulanus, p. 488b.
- Robert Historique (1992).
- Cabard et Chauvet (2003), p. 380.
- Dulong, Gaston et Gaston Bergeron (1980). Le parler populaire du Québec et de ses régions voisines, vol. 6, question 1531 « Alouette cornue ».
- Fonds documentaires du Trésor de la langue française au Québec (tlfq.ulaval.ca, 2019/03/07).
- Hageman (2000), p. 129.