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sansonnet

Genre

masculin

Prononciation

[sɑ̃sɔnɛ]

Début de l'article

Définition (emploi principal du mot-entrée).

Synonyme de étourneau sansonnet*.

Origine et histoire

Dans le Trésor de la langue française, on indique que, dans sa forme actuelle, sansonnet est attesté dès le 16e siècle (1539), sous la plume du poète Clément Marot, mais que, dans un manuscrit de la fin du siècle précédent (1480 environ), on relève déjà le segment tarins sansonnés, ainsi que l’emploi de sanson désignant un étourneau. Sansonnet est donc assez généralement présenté comme le diminutif de cet ancien emploi de sanson, qui n’a pas survécu et qui soulève des questions quant à sa propre origine.

Invoquant des explications variables, divers historiens ont proposé d’y voir un emploi découlant de Samson, nom propre d’un personnage biblique largement connuPrincipales explications avancées quant à l’origine de sanson « étourneau », dont sansonnet serait le dérivé : (dans le TLFi) « peut-être du n. propre Samson, personnage de l'Ancien Testament […], l'oiseau étant souvent tenu en cage − ce qui rappelle la captivité de Samson − et ayant aussi la réputation d'étourderie »; (dans le Robert historique) : « emploi plaisant du nom propre Samsom »; (dans Donovan et Ouellet, 1993) : « sans doute parce que cet oiseau agressif et fort, qui rappelle le Samson biblique, est capable de mettre en fuite des oiseaux nettement plus grands que lui »..

Selon l’étymologiste P. Guiraud (1966)Guiraud, Pierre (1966). « De la grive au maquereau. Le champ morpho-sémantique des noms de l’animal tacheté », dans Le Français moderne, no 4 octobre, p. 299-300 (www.le-francais-moderne.com/pages/archives-fm.html, 2018/12/07)., qui ne reconnaissait aucun fondement à cette hypothèse, sansonnet devait plutôt représenter un dérivé de la famille de sas « tamis, crible » et de sasser « cribler », attribué à l’étourneau sansonnet par allusion aux multiples taches claires dont est criblé son plumage.

Plus récemment, P. Cabard et B. Chauvet (2003), s’appuyant sur un commentaire émis à la fin du 18e siècle dans l’Histoire naturelle des oiseaux par P. Guéneau de MontbeillardBuffon, Georges-Louis Leclerc de, et coll. (1775). Histoire naturelle des oiseaux, tome 3, p. 256 (GoogleLivres, 2019/02/04). (voir la citation), ont suggéré que sansonnet pourrait être une corruption de chansonnet, autre nom qui aurait été donné à cet étourneau en raison de ses aptitudes vocales. 

Un étourneau peut apprendre à parler indifféremment François, Allemand, Latin, Grec, &c. & à prononcer de suite des phrases un peu longues : son gosier souple se prête à toutes les inflexions, à tous les accens. Il articule franchement la lettre R & soutient très-bien son nom de sansonnet ou plutôt de chansonnet par la douceur de son ramage acquis, beaucoup plus agréable que son ramage naturel. 

Source de la citation : Guéneau de Montbeillard, 1775

Chansonnet est effectivement bien attesté dans les dictionnaires du 17e au 19e siècle, mais cette forme, plus tardive, semble plutôt correspondre à une variante régionale de sansonnetRolland, Eugène (1879). Faune populaire de France. Tome 2 Les oiseaux sauvages, p. 152 (gallica. bnf.fr, 2018/12/07)..

La découverte de l’extrait suivant, dans un texte de la fin du 13e siècleRenart le nouvel par Jaquemart Gielée, publié d’après le manuscrit La Vallière (B. N.  fr. 25566) par Henri Roussel, Paris, A. & J. Picard & Cie, 1961, p. 178, nos 4315-4322. Mes remerciements à P. Rézeau pour le choix de l’édition et pour la traduction., vient à la fois consolider la première hypothèse, selon laquelle sansonnet est un dérivé de sanson, et suggérer un lien plus direct entre le mot sansonnet et l’étourneau. Cet extrait provient de Renart le Nouvel, un récit animalier du Moyen Age écrit dans la tradition du Roman de Renart, où l’on met en scène des animaux qui agissent comme des hommes et qui ont chacun leur nom propre (attribué de façon relativement arbitraire). Il y est question d’un étourneau (esprohon en ancien français) nommé Sanson, dont le fils (second messager de Renart) s’appelle Sansonnés.

Estes vous lors .III. messagiers  ─  Voici [qu’arrivent] trois messagers
De par Renart, cointes et fiers,  ─  De Renart, sages et dignes,
Dont li uns avoit non Waukés;  ─  Dont l’un s’appelait WaukéL’éditeur du texte (voir la note précédente) signale qu’il existe d’autres versions de ce vers où il est précisé que Wauké était le nom d’un geai [« Dont li uns est (ou ert) li gais Waukés »]. C’est le cas notamment dans le texte édité par M. D. M. Méon : Le roman du Renart publié d'après les manuscrits de la Bibliothèque du Roi des XIIIe, XIVe et XVe siècles; par M. D. M. Méon, Paris, Treuttel et Würtz, 1826, t. 4, p. 302, n4365.
Li secons ot non Sansonnés,  ─  Le second s’appelait Sansonnet,
Fiex iert a l’esprohon Sanson ;  ─  C’était le fils de Sanson l’étourneau ;
Li tiers Robins avoit a non;  ─  Le troisième s’appelait Robin ;
Fiex iert Robert le coquevil  ─  C’était le fils de Robert le cochevis,
Que on tenoit moult a gentil.   ─  Que l’on appréciait beaucoup pour ses qualités.

Source de la citation : Gielée, Renart le Nouvel, 1289

Sansonnet, comme synonyme d’étourneau, pourrait donc être directement issu de ce dernier nom propre à la suite d’une généralisation similaire à celle qui est à l’origine du nom commun renard (lui-même issu du nom propre du goupil, personnage principal du Roman de Renart).

Taxonomie et nomenclature

Le nom technique actuel d’étourneau sansonnet, avec sansonnet comme élément spécifique, s’est imposé dans la nomenclature ornithologique au milieu du 20e siècleVoir notamment : Géroudet, Paul (1957), Les passereaux et ordres apparentés: III. Des pouillots aux moineaux, p. 128 (GoogleLivres, 2019/02/05)., au détriment d’étourneau vulgaire, précédent binominal (calqué sur le latin Sturnus vulgaris) qui avait cours depuis le 19e siècleVoir notamment : Dictionnaire classique d’histoire naturelle, 1824, tome 6, p. 329 (GoogleLivres, 2019/02/05)..

Références et notes

Source(s) métalinguistique(s)

  • TLFi
  • FEW 11 Samson, p. 144.
  • Robert historique (1992).
  • Cabard et Chauvet (2003), p. 348.
  • Donovan et Ouellet (1993).
  • Hageman (2000), p. 90-91.

Note(s)