solitaire
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(17e–18e siècle) Nom donné à des oiseaux terrestres des îles Mascareignes (ibis de la Réunion* et dronte de Rodrigues*) qui, comme le dronte de Maurice, étaient de forte taille et inaptes au vol en raison de leurs ailes atrophiées.
(Depuis le 20e siècle) Passereau insectivore et frugivore des forêts de montagnes de l’Amérique tropicale et de l’archipel d’Hawaï, à plumage généralement grisâtre ou brunâtre, avec les yeux souvent cerclés de blanc et la queue relativement longue, qui est voisin de la grive mais peut rappeler le gobemouche par son aspect et son comportement.
turdidé; passériforme.
Origine et histoire
Issu du latin solitarius, l’adjectif solitaire est utilisé comme élément spécifique de noms composés d’oiseaux depuis au moins le 16e siècle, époque à laquelle le naturaliste P. Belon du Mans décrivait sous le nom de paisse solitaire un oiseau voisin des grives (vraisemblablement le monticole bleu). Chez les naturalistes du 16e siècle qui publiaient en latin (comme l’italien U. Aldrovandi et le suisse C. Gesner), on donnait d’ailleurs à cet oiseau le nom de Passer solitarius.
Nous deduisons maintenant un oyseau que le vulgaire a voulu nommer une Paisse solitaire. Si maintenant nous voulons enquerir la raison, il ne sera trop difficile de la trouver : c’est que les habitants des lieux abismez entre les montagnes, trouvants un certain oyseau faire son nid es precipices des rochers, l’ont jugé solitaire.
Source de la citation : Belon du Mans, 1555
Les premiers emplois substantivaux de solitaire comme nom d’oiseau datent de la seconde moitié du 17e siècle et servent alors à désigner deux espèces endémiques des îles Mascareignes (éteintes au 18e siècle), respectivement l’ibis de la Réunion dans les relations de voyage de l’abbé B. Carré et du Sieur Dubois, et le dronte de Rodrigues dans celle de F. Leguat.
Solitaires, ces oyseaux sont nommés ainsi, parce qu’ils vont tousjours seuls, ils sont gros comme une grosse Oye, & ont le plumage blanc, noir à l’extremité des aisles & de la queuë. A la queuë il y a des plumes approchantes de celles de l’Autruche, ils ont le col long & le becq fait comme celuy des becasses, mais plus gros, les jambes & pieds comme Poullets d’Inde. Cet oyseau se prend à la course ne volant que bien peu. C’est un des meilleurs gibier de l’Isle.
Source de la citation : Sieur Dubois, 1674
Au milieu du 18e siècle (1760), le naturaliste M. Brisson utilise quant à lui le nom de solitaire pour désigner trois oiseaux d’autres régions du monde qu’il rattache au « genre de la Grive », dont l’espèce eurasienne précédemment appelée paisse solitaire par Belon du Mans et deux autres passereaux d’origine asiatiques. Ces passereaux seront rebaptisés merles solitaires par P. Guéneau de Montbeillard en 1775, ce qui mènera à l’abandon de l’emploi substantival adopté par Brisson.
Lorsqu’au début du 20e siècle, le substantif générique solitaire sera réintroduit dans la nomenclature française, ce sera finalement dans son emploi actuel et sous l’influence de la nomenclature anglaise, où solitaire servait déjà depuis les années 1870 chez les naturalistes américains à désigner le solitaire de Townsend (Townsend’s Solitaire). E. Coues (1878) explique ainsi l’origine de cet emploi en anglais :
The sociable disposition which Townsend’s Thrush manifests during the winter, contrasting with those traits it shows at other seasons so conspicuously that it has acquired the soubriquet of "Solitaire" is also attested by Mr. J. K. Lord […]
Source de la citation : E. Coues, 1878
Les emplois successifs en français du terme substantival solitaire comme nom d’oiseaux ne sont donc pas directement liés.
Taxonomie et nomenclature
Le générique solitaire sert actuellement à désigner la douzaine d’espèces de passériformes de la famille des turdidés que compte le genre Myadestes. Certaines sources (Cinfo, Oiseaux.net) l’associent également aux espèces voisines des genres Entomodestes (2) et Cichlopsis (1), alors que d’autres (Avibase, HBW) les dénomment plutôt à partir du générique grive.
Dans des noms composés
(17e–18e siècle) :
solitaire de la Réunion, solitaire de Bourbon : synonymes historiques d’ibis de la Réunion*.
solitaire de Rodrigues : synonyme historique de dronte de Rodrigues*.
Seule espèce de solitaire présente au Canada et aux États-Unis :
solitaire de Townsend* [Myadestes townsendi] : espèce présente dans l’ouest du continent nord-américain (depuis le nord du Mexique jusqu’en Alaska), à plumage gris uni, avec une tache chamois sur l’aile et les yeux nettement cerclés de blanc.
Références et notes
Source(s) métalinguistique(s)
- FEW 12 solitarius, p. 61a.
- Donovan et Ouellet (1993).
Base(s) ornithologique(s) de référence
Date de consultation :
- Avibase
- HBW Alive
- Oiseaux.net